« Maire sécuritaire de gauche »
Bonjour,
Un autre article sur MULHOUSE celui ci date de 2005, il est intéressant de noter que la délinquance à augmenter de 11 % depuis.
Comme quoi la politique sécuritaire ne sert qu'a fabriquer de la violence.
A bientôt,
Eric
http://www.lesechos.fr/reseaux-pouvoir/ville/mulhouse/accueil_mulhouse.htm
Les Echos du 25 mai 2005
Le maire PS Jean-Marie Bockel s'efforce depuis 1989 de forger un nouvel espace pour Mulhouse, durement affectée par la crise de l'industrie. Le choix de créer un réseau de tram, audacieux dans une ville de cette taille, n'est qu'un aspect d'une politique destinée à reconstruire une identité économique à ce carrefour européen bien situé. Une politique qui doit s'appuyer sur une intercommunalité dont la taille demeure insuffisante, sur un patronat créatif mais affaibli, et sur des réseaux transfrontaliers à renforcer.
Française depuis seulement deux siècles, puisqu'elle approuva sa « réunion » en 1798, Mulhouse a profité de l'extraordinaire essor du textile et de la mécanique, multipliant sa population par quinze au XIXe siècle. Le déclin de cette industrie invite les acteurs locaux à construire pas à pas une agglomération plus soudée.
Successeur en 1989 du centriste Joseph Klifa à la mairie de Mulhouse, l'avocat Jean-Marie Bockel plaidait à l'époque avec passion pour une intercommunalité dynamique, y voyant un moyen d'aider une population frappée par les pertes d'emplois ininterrompues dans les métiers traditionnels du textile et de la mécanique, sur un territoire étriqué, mité de friches industrielles et militaires. Depuis vingt ans, la chronique locale est émaillée des soubresauts douloureux du dernier carré de l'empire industriel : les Manurhin, Wärtsilä et DMC n'ont cessé de s'amenuiser. « Un vrai chamboulement sur le plan économique », affirme Hubert Hassler, chef du service entreprises et collectivités du Comité d'action économique du Haut-Rhin (CAHR). « Il reste très peu de centres de décision vraiment locaux », confirme Jean-Paul Maldonado, directeur à la société de développement régional Sade.
Le phénomène n'est pas nouveau dans cette cité dont le nom désigne les moulins : « La Mulhouse industrielle est morte très lentement, des années 1920 jusqu'aux années 1960. La ville a très peu profité de la multinationalisation de l'Alsace depuis quarante ans », note le géographe Raymond Woessner. Pour la députée UMP Arlette Grosskost, les élus locaux n'ont pas suffisamment anticipé la reconversion, et l'arrivée, il y a seize ans, du socialiste Jean-Marie Bockel aux commandes de la ville a débouché sur « une politique sociale ouverte à tout vent, distribuant de la richesse avant d'en créer, et éloignant les milieux économiques du monde politique ».
Une agglomération à renforcer
Politiquement, pourtant, le leadership du nouvel arrivant a changé la donne puisqu'il s'est employé à fédérer les élus au sein d'une agglomération forte, principe qui n'est plus ouvertement contesté aujourd'hui. La coopération intercommunale au quotidien reste néanmoins un combat dans le périmètre du « pays de la région mulhousienne », fort de 261.000 habitants mais sans incarnation politique. Le territoire de la ville apparaît en effet trop petit. La Communauté d'agglomération de Mulhouse Sud Alsace (Camsa), qui n'a que deux ans d'existence et compte 170.000 habitants (dont 112.000 pour la ville-centre), est inachevée. Il lui manque quelques solides et riches bastions centristes comme Pfastatt, fief du député Francis Hillmeyer, Riedisheim, pré carré du président du Conseil général du Haut-Rhin, Charles Buttner, et surtout Sausheim. Cette commune abrite le moteur du département, avec l'usine PSA Peugeot Citroën qui délivre environ 1.800 véhicules par jour et emploie plus de 13.000 personnes. Le fait que les fonctions nobles du constructeur ne soient pas en Alsace mais en région parisienne est une faiblesse pour la gestation du pôle de compétitivité « véhicule du futur » porté par l'Alsace et la Franche-Comté, mais ce projet a cependant permis de solidariser les acteurs, ce qui représente un « plus » pour Peugeot lui-même.
« Si l'agglomération a des lacunes, le principal problème est celui de la gouvernance de la région mulhousienne. Songez que, pour 39 communes, il y a 48 organismes de coopération ! Cet éparpillement des forces est préjudiciable », observe l'universitaire Gérard Binder, président du conseil de développement du pays et de l'agglomération. Pour celui qui est aussi directeur de l'Ecole supérieure des sciences appliquées pour l'ingénieur (Essaim), la ville ne mise pas assez sur l'innovation, malgré les 450 chercheurs de son pôle universitaire.
« Maire sécuritaire de gauche »
« Les critiques du conseil de développement
servent mon dessein en faveur du renforcement de l'agglomération.
La communauté est incontournable, son échec
nous fragiliserait dans la compétition des villes,
dans le réglement de la cruciale question sociale
», lâche Jean-Marie Bockel qui, élu sénateur,
a laissé les rênes de la Camsa à Jo
Spiegel, maire socialiste de Kingersheim et chef de file
du bassin potassique, au nord de la ville. L'épisode
a plus qu'agacé Bernard Stoessel (UDF), premier vice-président
du conseil régional et opposant municipal : «
C'était un arrangement politicien. Bockel voulait
être tranquille pour les sénatoriales. Cela
a divisé la communauté d'agglomération.
On reste avec un territoire pas organisé ni cohérent,
faute d'initiative. »
Le maire de Mulhouse entend ce discours mais suit son
propre chemin, très conscient de ce qu'il doit aux
autres, notamment aux francs-maçons qui ont fait
en sorte de forger, en 1995, un « front républicain
» socialiste et centriste pour faire barrage à
l'extrême droite au second tour des municipales. Cette
influence déterminante a été révélée
en 2003 par Edouard Boeglin, conseiller municipal en charge
du patrimoine et membre éminent du Grand Orient,
dans les colonnes de la revue « Saisons d'Alsace ».
La montée de l'extrême droite a indiscutablement
marqué les esprits. Délégué
du Sénat au Conseil de l'Europe, à Strasbourg,
où il suit les questions de sécurité,
JeanMarie Bockel reconnaît que sa ville souffre de
l'absence, à l'échelle française, d'une
vraie politique d'immigration. Selon lui, l'intégration
est en panne. « Nos politiques sont mises en échec
par ce laxisme. Cela pénalise la question sociale.
Je suis un maire sécuritaire de gauche, je n'ai aucun
état d'âme là-dessus et j'y mets les
moyens. »
Dans une ville qui connaît un taux de chômage
de l'ordre de 15 %, la problématique n'est pas qu'économique.
Nombre d'employeurs regrettent l'échec de l'intégration,
alors que les entreprises éprouvent toujours des
difficultés de recrutement. Le Plan local pour l'insertion
et l'emploi (PLIE), pour autant, ne chôme pas, accueillant
2.300 personnes par an. Il travaille en lien avec la grande
distribution, très présente. Nordine Boudjelida,
le directeur délégué du PLIE, collabore
aussi étroitement avec le directeur général
du technopôle, Bernard Kuhn. Dans l'avenir, la Maison
de l'emploi, qui devrait voir le jour dans le cadre de la
loi Borloo et que défend énergiquement l'adjoint
au maire Philippe Maitreau, devrait capitaliser ces efforts
à l'échelle de l'agglomération.
Développer le transfrontalier
La CCI, dont le champ d'action présente l'avantage
de couvrir tout le sud du département, a la volonté
d'ouvrir rapidement la Maison de l'entrepreneur, appelée
à faciliter la tâche des patrons, alors que
la création d'entreprises est très dynamique
dans ce bassin mulhousien traditionnellement entrepreneurial.
Jean-Pierre Gallo, président de l'organisme consulaire
élu en décembre à la tête d'une
alliance CGPME-Medef, entend mettre tout son poids dans
le soutien à l'industrie et la relance du commerce
de centre-ville, mal en point.
« Avec mon vice-président, Jean-Pierre Lavielle,
nous formons un binôme d'action et j'ai établi
une feuille de route avec chacun des nouveaux élus
à la CCI », insiste celui qui prendra aussi
en charge l'été prochain la présidence
de l'EuroAirport Bâle-Mulhouse, succédant à
Maurice Amiel, ancien industriel qui n'est pas du sérail
mulhousien : « Nous avons construit un programme autour
de cet aéroport et, derrière moi, 12.000 entreprises
s'intéressent à son développement.
»
Le maire estime ne pas être pour rien dans ce regain
d'intérêt de la CCI pour la plate-forme. A
ses yeux, ayant survécu au crash du transport aérien
suisse, l'équipement binational (2,5 millions de
passagers en 2004) est sauvé. Il a réussi,
du reste, à attirer et retenir _ à la différence
de Strasbourg _ une compagnie low-cost, easyJet. Pourtant,
en matière transfrontalière, Mulhouse semble
davantage tournée vers l'Allemagne et Fribourg-en-Brisgau
qu'en direction de la Suisse, hors Union européenne.
« Bâle se conçoit comme une ville-monde
et ne sait pas bien quoi faire avec Mulhouse. Lorsqu'elle
décide de dupliquer sa célèbre foire,
Art'Basel, elle le fait à Miami, en Floride »,
fait remarquer Raymond Woessner.
Il n'en demeure pas moins que ce voisinage est un atout
pour la sous-préfecture du Haut-Rhin. Les cadres
qui s'installent ici admirent à juste titre la cité
du nord de la Suisse, ses musées, sa scène,
son animation. Mais si l'Eurodistrict se concrétise,
il se montera plutôt avec Fribourg et Colmar, un triangle
de villes qui devrait se resserrer avec l'amélioration
des infrastructures ferroviaires, dont le TGV Rhin-Rhône
escompté pour 2010-2011. Son débouché
naturel est l'arc Mulhouse-Besançon-Dijon (1 million
d'habitants), candidat au statut de district métropolitain
préconisé par la Datar. « Avec Fribourg,
c'est la capacité de porter des maîtrises d'oeuvre
transfrontalières qui est en jeu, dans le transport,
l'immatériel, la coopération universitaire.
C'est la survie à long terme de nos villes qui se
joue », affirme Jean-Marie Bockel. Arlette Grosskost
estime pour sa part que la municipalité « n'a
pas suffisamment prospecté l'international, ni raisonné
en termes de bassin de vie transfrontalier. Les réseaux
restent à constituer dans ce domaine. »
Dans l'immédiat, le premier magistrat est surtout
préoccupé par sa ville et ses chantiers. Le
13 mai 2006, il inaugurera les deux premières lignes
du tramway, grande affaire de son troisième mandat.
Les 12 kilomètres de lignes se limitent pour l'instant
à la ville intra muros, mais toucheront cinq communes
en deuxième phase. La plupart des Mulhousiens, même
dans l'opposition, admettent que cet équipement va
radicalement améliorer le cadre urbain et contribuer
à unifier cette agglomération éclatée
« à l'américaine, avec ses classes moyennes
en périphérie », selon l'image du directeur
général de la SERM, Robert Pellissier.
Centre d'art contemporain
Dans une ville déjà familière du
design industriel par ses collections ferroviaires, automobiles
et textiles réunies dans trois musées exceptionnels,
le tram véhiculera massivement l'art urbain. Il sera
présent dans les rames « caméléoniques
» aux vives couleurs jaune d'or, rouge et noir, dessinées
par le Catalan Peret, et tout au long des lignes, confiées
l'une au Français Daniel Buren, l'autre à
l'Allemand Tobias Rehberger.
« Il y avait autrefois, en termes de vie culturelle,
un écart colossal avec les métropoles voisines.
En consacrant 12 % à 13 % du budget à la culture,
nous sommes parvenus à rajouter des outils sans perdre
la tradition populaire. Le tram est l'occasion de valoriser
cet apport artistique », s'enthousiasme l'adjoint
à la culture, Michel Samuel-Weis. Outre la très
active scène nationale La Filature, la ville comptera
bientôt un centre d'art contemporain et un atelier
pédagogique dans l'ancienne fonderie de la Société
Alsacienne de Construction Mécanique, au côté
de la nouvelle faculté de sciences économiques
et juridiques. C'est un symbole fort de son évolution,
alors que certains commençaient à dénoncer
le manque de prise de risques d'une équipe municipale
vieillissante.
ANTOINE LATHAM AVEC MARTINE ROBERT